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Le blog de Saamarande
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7 décembre 2007

La révolution Wikipédia : les encyclopédies vont-elles mourir ? préfacé par Pierre Assouline.

Par Jean-Michel Valette,

C’est l’ouvrage écrit par cinq étudiants de Sciences-Po qui ont mené, sous la direction de Pierre Assouline – journaliste, écrivain, blogueur littéraire et chargé de cours à Science-Po -  une enquête sur la star montante toutes catégories des « wikis » et du web collaboratif, nous avons nommé l’encyclopédie en ligne Wikipédia.

Il comporte deux parties distinctes. D’une part, la préface de Pierre Assouline qui n’est pas tendre envers l’encyclopédie Wikipédia.

D’autre part, l’enquête proprement dite des cinq étudiants, qui s’efforcent d’interroger et d’analyser sans a priori - et sans la plume acérée de leur préfacier -  le phénomène et le petit monde de Wikipédia.

Commençons donc par la polémique et écoutons Pierre Assouline : « [...] L’encyclopédie collaborative en ligne est aux encyclopédies ce que la démocratie d’opinion est à la démocratie parlementaire. Si l’Internet est bien la caisse de résonance de toutes les rumeurs, Wikipédia est la subtile chambre d’écho de la désinformation ; les exemples ne manquent pas, il suffit de les glaner sur le site de l’observatoire de Wikipédia qui se livre régulièrement à un utile travail de décryptage, la promenade est édifiante... ».

Egalement au rayon de la polémique, la fameuse enquête du magazine Nature de décembre 2005 qui, paraît-il, démontre que Wikipédia n’a pas à rougir, en terme d’erreurs recensées, par rapport à la célèbre encyclopédie Britannica.

Or, au chapitre 2 de La révolution Wikipédia, les auteurs montrent bien que le protocole de l’enquête menée par Nature et qui a amené à de telles conclusions favorables à Wikipédia est pour le moins léger et insuffisant. De plus, il existe une différence entre les résultats réels de l’enquête de Nature et les résultats communiqués, ce qu’en ont retenu les médias.

Mais, au-delà de la polémique, que peut-on retenir de cette étude ?

Nous voudrions plus particulièrement signaler deux points qui nous semblent importants pour l’activité documentaire.

Premièrement, cet ouvrage met l'accent sur la notion fondamentale de source documentaire.

Comme le rappelle Pierre Assouline qui est journaliste de profession, « [...] la question des sources est à la base de toute recherche qu’elle soit historique, scientifique, journalistique ; or Wikipédia dilue tant la source qu’elle l’élude... » (p.8)

Wikipédia peut-elle donc être considérée comme une source documentaire fiable, comme une référence ?

Certainement pas, selon Pierre Assouline : « [...] On ne saurait trop le répéter... l’esprit de la référence a intrinsèquement partie liée avec la durée et non avec l’éphémère. Sur Wikipédia, la référence est à géométrie variable : le dernier qui a parlé a raison, jusqu’au prochain ... »

Pierre Assouline met ainsi l’accent sur une des faiblesses de l’encyclopédie dans sa forme actuelle. Imaginons le grand historien Jean Tulard écrivant une contribution sur Napoléon pour Wikipédia... celle-ci pouvant dans la minute qui suit être modifiée, trucidée ou tronquée par n’importe quel autre contributeur amateur...

Il est d'ailleurs frappant que Pierre Assouline soit rejoint dans ses conclusions par...une administratrice de Wikipédia! Celle-ci, qui a pour surnom Esprit Fugace, affirme en effet: « [...] il ne faut pas citer Wikipédia comme source, ce n’est pas une bonne idée. Mais ça peut être une bonne manière de se faire une idée sur un sujet et un point de départ pour plus de recherches... »

Plus que jamais, selon les auteurs (chapitre 7), une lecture critique, une diversification et une comparaison des sources est nécessaire : « Tout usage intelligent de Wikipédia passe donc nécessairement par l’intégration de cet outil dans un processus pédagogique », écrivent-ils. Et le lexicologue Alain Rey, « patron » du Robert, de rappeler l’étymologie du terme encyclopédie : « faire entrer dans le cercle de la pédagogie » (p. 103)

Un second point abordé dans l’ouvrage a attiré plus particulièrement notre attention – au chapitre 6 : l’idée de l’encyclopédie en tant que vision du monde.

De tout temps - des philosophies encyclopédiques (comme celle d’Aristote, par exemple) aux encyclopédistes du dix-huitième siècle -  l’encyclopédisme a charrié avec lui une vision du monde, une cohérence et des catégories propres. Une telle cohérence existe-t-elle avec ce modèle collaboratif,  forcément morcelé  et exempt de ligne éditoriale claire ? « Tous les efforts des encyclopédistes depuis l’antiquité visent à classer, à hiérarchiser le savoir », nous explique Alain Rey, repris par les auteurs. Que vaut l’exhaustivité de Wikipédia sans méthode ni hiérarchisation, sans vue d’ensemble ni principe classificateur ? Cet aspect-là ne peut manquer d’interpeller le professionnel de l’information expert en taxonomie et en organisation de l'information. « Un article sur les Pokémons peut faire la même longueur qu’un article sur Emmanuel Kant » (p.110), écrivent les auteurs. L’émission « La nouvelle star » vaut-elle un article dans une encyclopédie universelle ?

Signalons, pour finir et pour donner envie de lire l'ouvrage, quelques autres questions et points abordés par l’étude :

-         Le projet Wikipédia est-il antiélitiste ? (p.75)

-         Les erreurs et les manipulations célèbres (p.79)

-         Le modèle Wikipédia est un aiguillon pour les encyclopédies existantes et les modèles classiques d’édition, poussant les éditeurs à évoluer pour ne pas mourir (p.91)

-         Les projets et idées de mutation autour de Wikipédia afin de pallier à ses faiblesses : expérimentation en Allemagne des modifications devant être validées par des éditeurs de confiance avant de pouvoir apparaître en ligne (p.58) ; idée d’un vote « es qualités »(dont le poids dépendrait du degré d'expertise de chacun par rapport au domaine considéré) proposée par Florence Devouard (p.136) la présidente de la Wikimedia Fundation.

-         Le projet concurrent Citizendium initié par Larry Sanger, un « dissident » de la maison Wikipédia. Le projet de Citizendium  est de construire une encyclopédie collaborative qui n’aurait pas les carences de Wikipédia en terme de fiabilité et de validation scientifique. Le système de Citizendium est fondé sur une validation des articles collaboratifs par un panel d’experts. Une fois validé, l’article ne peut plus être modifié (p. 136).

-         Michel Serres, un « wiki-enthousiaste » isolé (p.118)

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Commentaires
A
Malheureusement cette prudence quant à la fiabilité de wikipedia, qui était de mise jusque là, même à wikipedia, du fait des nombreuses critiques formulées, est désormais révolue. <br /> <br /> Jusque là les critiques avaient suffisamment mis en doute la fiabilité de wikipedia, pour diverses raisons : non seulement du fait des sources auxquelles recourent pour l'essentiel des contributeurs qui se limitent à internet, mais le manque de compétence des contributeurs, l'écriture collective sans auteur responsable, l'absence de relecture par des personnes qualifiées, l'anarchie , le manque de hiérarchisation etc. <br /> <br /> Désormais c'est fini, Wales accorde à wikipedia son label de qualité universitaire. Il juge que wikipedia est d'un niveau suffisant pour les études et que les étudiants et étudiants-chercheurs, peuvent la citer. <br /> <br /> Qu'en penseront les professeurs ? <br /> <br /> voir sur mon blog, l'article : les ambitions de wikipedia : prendre place à l'école, http://wikipedia.un.mythe.over-blog.com/article-14433163.html<br />
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